vendredi 18 septembre 2009

Les traversantes











"Les traversantes" est le projet sur lequel j'ai travaillé pendant ma résidence au Québec à Est-Nord-Est.
Il s'agit au départ d'un travail de maquette architecturale, autour de la maison de type nord-américaine, devenant peu à peu un travail de sculpture.
Une sculpture, au sens où - comme c'est souvent le cas dans mon travail - l'esthétique ou l'idée du projet (d'architecte, de designer) est utilisé sur quelque chose qui existe déjà, issu du réel ou du passé, et n'a en ce sens pas de valeur fonctionnelle ou d'innovation technique. L'objet devient toujours autre chose, un projet d'artiste autonome, différent, parfois étrange.
Ainsi la structure et la construction de la maison s'imposent d'elles mêmes, et cependant la démarche s'inverse: Les ouvertures (porte et fenêtres), au lieu de donner une vue sur l'intérieur et d'hypothétiques pièces, ouvrent sur des corridors traversant la maison de part en part, supposant le regard du spectateur et son "entrée"- physique, mentale - dans la sculpture.

La maison n'est pas terminée, il lui manque ses parois, qui cacheront sa structure et ce réseau de couloirs, de façon à ce que l'extérieur ne corresponde pas à l'idée qu'on peut se faire de l'intérieur au premier abord. Le parement en bois des murs sera celui typique de ce genre de maisons en bois, des planches horizontales qui se superposent légèrement. Avec Joan nous avons pas mal travaillé ensembles cette année, notamment pour créer cette exposition à deux à Dompierre; j'aimais beaucoup sa pièce Iowa, que nous n'avons justement pas pu installer dans l'expo, mais qu'elle à montré à Mycroft , et je lui disais qu'une nouvelle correspondance pouvait jaillir entre ces deux pièces.

Je n'ai vu la pièce qu'en photographie et il m'amuse de penser que j'aime d'ailleurs beaucoup cette image de la pièce elle même, et qu'elle peut faire pour moi partie d'une sorte d'iconographie et de documentation vaste qui a pu m'inspirer cet été;
du côté de l'architecture, ou plutôt au contraire d'une non architecture, une construction vernaculaire, une sorte d'imagerie, de cliché (le bois, la véranda, etc) qui n'est pas celui de ma propre culture (européenne) mais où j'essaye justement d'amener autre chose, un rapport autrement intime au dit cliché..

4 commentaires:

  1. Cette pièce a l'air très belle!

    Elle m'évoque l'installation de Tatiana Trouvé 4 BETWEEN 3 AND 2 à l'espace 315 du 25 Juin au 29 septembre 2008. Des jeux de mirroirs créaient des "passages" infinis à travers de petites portes en verre, jeu d'échelle et architecture mentale surréaliste.
    Il y a aussi quelque chose entre Dan Graham et Lewis Carrol.

    Je pense enfin à POLTERGEIST comme point de rattachement évident entre ta pièce et celle de Joan.

    http://www.youtube.com/watch?v=kqgORh1VXug

    La demeure d'un vendeur de maisons résidentielles typiquement Américaines "à la chaine" se voit investie d'un VORTEX conduisant à un monde de mort effrayant.
    A la fin du film, on découvre que la promotion immobilière est construite sur un cimetière qui surgit d'une boue pâteuse aux odeurs putrides encore fraiches.
    La maison implose et se compresse aspirée en elle même.
    Pierre Sterckx y verrai une analogie géniale aux Sub Primes et à l'histoire de l'Amérique barbare qui construit son empire sur les tombes.

    Remarquons aussi dans l'extrait, la ressemblance troublante entre la pièce TROUBLE HOTEL de Aude et le couloir étiré par un effet dont j'ai oublié le nom.

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  3. J'aime bien l'idée que tu puisses penser et à Tatiana Trouvé - dont j'aime beaucoup le travail et auquel je peux me reférer, et notamment pas rapport à mes dessins, à ses dessins d'intérieurs - et à un film d'horreur comme Poltergeist, bien joué; au sens où si ce genre de réfèrence ou d'associations n'est absolument pas dite par la pièce, elle peut quand même être suggérée, être à l'horizon...n'y a t il pas quelque chose de l'horreur, forcément, dans cette idée de couloir, corridors, n'ouvrant sur aucune pièce et donc aucun habité/habitant possible.
    Les "traversants" seraient ils du coup des sortes de fantômes ? Un objet en bois comme ça, n'a, disons-le, RIEN d'effrayant, et pourtant. Et c'est cela le début de l'horreur - par exemple l'eau dans Darkwater - ça ne devrait pas être effrayant et pourtant. C'est aussi une définition de ce que pourrait être un plan de cinéma d'horreur. Quelque chose se passe dans le plan qui ne devrait pas être réellement effrayant, et pourtant.
    Je ne dis pas que la sculpture fonctionne comme ça, mais elle peut suggérer au fond quelque chose de cinématographique.

    J'aime beaucoup penser que Pierre Sterckx - dont j'aimais bien certaines "sorties" lyriques et critiques quant à des oeuvres de toute sorte, en cours aux Beaux Arts - puisse penser (selon toi, ou carrément et pour de vrai selon lui d'ailleurs ????) que Poltergeist a une analogie aux Sub primes et à la construction d'un mythe américain par une certaine idée de l'immobilier et de la propriété comme tu dis sur des tombes.............J'adore cette idée ! Je m'intéressais justement à cette vision spécifiquement américaine de la maison et de l'habitat en commençant cette pièce, le rapport américain à la nature et à sa domestication sous toute ses formes est juste tellement important et fou là bas, tellement une donnée essentielle de leur histoire et de leur façon de vivre. La maison. La voiture. Parfois le flingue. Le Far West quoi. Et où qu'on soit au States et au Canada, il s'agit tout le temps d'est et de ouest (ou de milieu du coup), hé hé.
    Il me plait du coup encore plus de repenser à un autre artiste, lui américain, critique radical de cette société et à travers une question domestique et de genre, Robert Gober. Il est marrant de penser que Gober a commençé à travailler pour gagner sa vie en construisant des maisons de poupées en bois, typiquement américaine, et qu'il a commencé sa carrière d'artiste en les détruisant (coupées en deux, brûlées...) et en présentant ces objets pimpants torturés et dégradés, comme un mauvais garçon quoi. Vous connaissez le reste, ce n'était qu'un début.
    Sainte Vierge ! Vous voilà traversée par un tuyau de poêle !! (cf la superbe pièce de Gober au Schaulager à Bâle - sans oublier que non loin et cohabitant dans le même bâtiment c'est une autre pièce cauchemardesque qui se déploit, digne de d'autres films d'horreurs type La Mouche ou La chose, etc: les rats de Katharina Frischt, tiens tiens)............Si c'est pas beau tout ça, ah magie des correspondances ..........!!!!
    Avis aux amateurs.

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  4. Je connais mal le travail de Gober, je suis ravi que tu aies attisé ma curiosité! Maintenant je suis jaloux de n'avoir vu l'expo que sur internet...

    J'aime bien aussi dans son accrochage le réseau aquatique qui se développe à travers et autour des pièces comme un liant entre les œuvres transformées pour certaines en orifices.

    http://vernissage.tv/blog/?s=robert+gober

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